La FSU Pays de Loire écrit au recteur

Monsieur le Recteur,
Votre courrier reçu le 19 mai dans les écoles et les collèges confirme ce que nous constatons effectivement dans les classes : les élèves décrocheur·euses ne sont pas globalement au rendez-vous de
l’invitation faite par le Ministre de revenir à l’école.
Nous partageons également avec vous le point sur les difficultés à garder le lien avec ces mêmes élèves, et plus largement, durant la période de confinement. D’ailleurs, quand le Ministre a communiqué avec ardeur le terme de « continuité pédagogique », les acteurs et actrices de terrain que nous sommes voyaient bien les limites qu’une telle expression pouvait rencontrer. Même si l’aspect inédit de la situation nous a toutes et tous obligé·es à agir sans recul, nos observations sur l’état de notre système éducatif ont trouvé des échos dans les difficultés rencontrées par les personnels : déficit d’outils informatiques, déficit de formation à la maîtrise des outils, efficience limitée des outils informatiques institutionnels… La réalité du terrain a montré que la « continuité pédagogique » était un leurre pour les enseignant.es, les élèves et leurs parents.A cela s’est ajoutée la capacité de chacun·e à accompagner l’ensemble des élèves. Les heures passées au téléphone à les joindre individuellement, à répondre par courriel à des centaines de messages avec nos outils personnels, à adapter nos outils pédagogiques tout en étant parfois en situation d’accueillir des enfants de soignant·es et à vivre comme toutes et tous, le confinement avec nos familles ne trouveront pas une simple réponse par une prime attribuée à quelques-un·es. Alors qu’il faudrait une reconnaissance de l’engagement collectif, le gouvernement fait le choix d’une prime qui divise celles et ceux qui ont tous·tes été à leur niveau engagé·es totalement durant cette période.
Depuis le 11 mai, la réouverture, à marche forcée des écoles et des établissements scolaires du second degré a induit une charge de travail titanesque pour les personnels. Les écoles, puis les collèges, ont dû, dans l’urgence absolue, organiser des conditions d’accueil respectueuses du protocole national en lien avec un contexte local parfois extrêmement compliqué. Les difficultés ont été innombrables, les interlocuteurs et interlocutrices nombreux et nombreuses, les efforts des personnels importants pour les surmonter quand c’était possible.
Les personnels ont eu le souci, dès l’élaboration des premiers schémas d’organisation, de voir revenir les élèves dits « décrocheur·euses » et ont poursuivi un travail auprès de ces familles. Ils et elles accompagnent maintenant les élèves présent·es tout au long de la journée avec des groupes d’élèves répondant aux capacités d’accueil. Aussi, nous vous rappelons que travailler en présentiel tout en assurant un travail en distanciel est impossible. Si cela devait être envisagé, il faudrait adapter les emplois du temps pour répondre aux besoins.
Si nous comprenons bien votre attente, vous sollicitez l’ensemble de la communauté éducative d’enjoindre les élèves décrocheur·euses à regagner leur établissement. Il s’agit donc d’un souhait venant en contradiction avec les consignes ministérielles : retour sur la base du volontariat.
Vous renvoyez une nouvelle fois à la responsabilité individuelle et culpabilisante d’une énième « vaste action » permettant le retour à l’école de ces élèves. Il vaudrait mieux s’adresser au gouvernement et Ministère qui ont créé les conditions de leur absence. Là aussi, nous n’entendons pas notre Ministre infirmer sa communication officielle : « la reprise se fait au service des élèves qui en ont le plus besoin. ». Pas plus que nous entendons un changement de positionnement de politique concernant les postes destinés aux élèves en difficulté supprimés ces dernières années : postes de RASED et du dispositif Plus de maîtres que de classes.
Les discours sur le nécessaire retour à l’école risquent fort de se réduire à une culpabilisation des familles, sous entendu familles des milieux défavorisés, que l’on rend déjà bien assez responsables du décrochage de leur enfant et que l’enseignement à distance a aggravé.
Si l’absence d’un certain nombre d’élèves se confirmait dans la durée, l’article R131-4 du code de l’éducation prévoit que les IA-DASEN doivent faire procéder en urgence à un contrôle de l’instruction.
En aucun cas, les Directeurs, les Chefs d’établissement et les enseignants doivent supporter cette charge.
D’autre part, un tel dialogue avec les familles est un travail de longue haleine. Il renvoie à une préoccupation majeure de notre fédération syndicale exprimée par nos infirmier.es, nos assistant·es sociales, nos conseiller·ères d’éducation, nos AED, les RASED, les AESH…
Oui, Monsieur le Recteur, les élèves « décrocheur·euses », « perdus de vue » ou encore « présent·es absent·es » ne sont pas une nouveauté. Ils et elles méritent de tout temps un suivi, un soutien, exigeant, adapté mobilisant des personnels dont le nombre et la complémentarité sont indispensables.
Ces personnels sont déjà à l’oeuvre. Ils et elles n’ont pas attendu le déconfinement pour répondre aux besoins des élèves. Ce n’est pas une liste d’arguments clairement reformulés dont ils et elles ont besoin mais plutôt une reconnaissance de leurs missions et de leur engagement sans faille mais empêché.
Nous terminerons notre courrier sur deux points :
• s’il s’agit d’attirer l’attention de nos élèves et de leurs parents sur l’obligation à l’instruction (et non de l’éducation), aujourd’hui comme dans le futur, dans le cadre d’un service public d’Education, la FSU
sera présente et portera ses revendications sur la démocratisation scolaire et pour une École de la réussite pour tous les élèves avec les moyens nécessaires pour y parvenir. Cela passe par exemple par la restitution des postes supprimés dans le second degré pour la rentrée prochaine.
• Si vous souhaitez rejoindre la réflexion de la FSU sur les besoins nécessaires et particuliers des élèves que vous évoquez dans votre courrier pour les porter auprès du Ministère, nous serons au rendez-vous.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Recteur, nos salutations respectueuses.
Pour la FSU des Pays de la Loire,

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